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La (presque) Route des Grandes Alpes #3

Dernière mise à jour : 5 nov. 2023

La 750F2 est-elle la Honda la plus capricieuse de l'histoire de la marque?



Rassemblant nos affaires et étant sur le point de quitter le lac de Laffrey, je saisis mon téléphone qui se met aussitôt à vibrer. Message Whatsapp de mon père dans un style laconique, explicite et façonné par une décennie chez France Telecom à coup de: “attention à ne pas dépasser la limite de 160 caractères”, je reçois un : “où çà demain sur la route?”


La perspective de rouler ensemble me réjouit franchement. La raison est simple: on aura notre lot de galères. Aussi certain que le jour se lève et que le Mont-Saint-Michel est en Bretagne (j'ai des preuves très récentes!), nous allons vivre un certain nombre de galères à son guidon. Et quand je dis “on”, je ne parle que de lui évidemment. Ca m'a toujours bien fait marrer.


Sa 750 F2 bleue de 1977, c'est l'histoire d'une mégère ayant inlassablement décidé de faire sa crise de la cinquantaine à chaque sortie depuis plus de 10 ans maintenant.

Mon père tu sais, la mécanique, c’est pas vraiment son truc. Paradoxalement les pannes, c’est pas quelque chose qui le freine où l’inquiète en plus. Alors imagine les deux ensemble, c'est autrement moins savoureux que de manger "sucré-salé".


Tu veux des exemples?


Fontainebleau-Reims il y’a 5 ans: la moto coupait le contact à chaque virage un peu serré. Solution? Tailler le virage et garder la moto la plus droite possible. Évident. Gorges du Verdon l’année passée: 5’ chrono de roulage. Cinq minutes. Moto stoppée nette à la sortie d’un virage et une odeur épouvantable de brûlé qui passait outre celle de la lavande pourtant partout autour de nous. Roue arrière bloquée: impossible de bouger les plaquettes totalement collées au disque. Elles fument autant qu’on sue. Solution? Démonter l’étrier de frein arrière.

- “T'as ce qu’il faut pour réparer à la maison?

- “T’es dingue? On a déjà assez perdu de temps, il reste le frein avant. Vas y passe devant.

- “...”

- “...mais freine pas trop fort du coup.”

Logique.


Si comme moi, tu n’es pas né à la fin des années 50 et que l’époque Joe Bar, tu ne la connais qu’en BD, le raisonnement doit te sembler aussi implacable que surréaliste.


Pour le moment en tout cas, la galère est de mon côté et se situe niveau road book: j’avais prévu de me lancer à l’assaut du col du Parpaillon pour rejoindre ensuite le col de Bonnette avant de redescendre vers le Mercantour. Malgré l’enthousiasme de beaucoup de motards et d’automobilistes, attaquer la D39T avec un vaillant 4 cylindres de 73ch, des collecteurs impeccablement exposés en cas de choc et surtout 250kg de métal brut de fonderie à emmener “à l’arrache” me semble un brin optimiste. Pas le choix, je dois adapter, quitte à rebrousser chemin.


L’idée du coup: nous retrouver à Montclar-les-2-Vallées sur le temps de midi. Montclar, c’est une petite station familiale idéalement située à la sortie de Ubaye-Serre-Ponçon. J’aurais pu choisir la ville magnifique de Savines-le-Lac, mais entre l’affluence touristique de saison et la chaleur de nouveau écrasante, je me dis que prendre un peu de fraîcheur en altitude ne sera pas de refus. 130 bornes de route au départ de Saint-Theoffrey, 133 au départ de Barjols.


Liberté, égalité, terrasse d’été.


L’après-midi, l’objectif est d’atteindre la cîme de la Bonnette, puis de revenir sur nos traces pour descendre vers Digne-les-Bains, Quinson puis Barjols. 7h20 de bécane et 400 bornes à abattre au total. Miam!

 

9h. Je presse Bertrand une toute dernière fois de m’accompagner en lui promettant qu’on va bien se marrer. Pas franchement convaincu par ma rédaction d’un mail à son employeur: “absence pour cause de gastro foudroyante du lundi” mais réellement tenté par l’étape, une seule des deux moto sortira malheureusement de la grange aujourd’hui. Sac réparé la veille au soir, je le remercie encore pour les chouettes moments partagés depuis 2 jours et prend, seul, la direction de Montclar.


Le GPS m’indique 2h30 de route en arrivant du nord par la N94 et en traversant le Pont de Savines. J’ai volontairement tapé large tant le lac de Serre-Ponçon m’avait interpellé l’année passée. Je n’avais néanmoins pas eu l’occasion de m’y arrêter pour cause de timing serré avant d’atteindre le Galibier. Ici, pas question de me presser: je comptais bien ramener quelques souvenirs que je te partage ici.


La N85 à partir du village de La Mure est plaisante à rouler. Longeant à bonne hauteur le Lac de St Pierre, elle est tantôt sinueuse, tantôt roulante, vraiment tranquille à emprunter. A hauteur du lac du Sautet, je vois revenir progressivement dans mon rétro un phare. Tu sais, ce différentiel de vitesse vraiment léger: trop lent pour passer, mais suffisamment rapide pour rester derrière toi. J’enquille un peu plus à hauteur de Corps avant de me rendre compte que j’étais le lièvre.


A hauteur de Saint-Laurent-du-Cros, arrêtés à un feu rouge nous faisons brièvement connaissance:

- “TU VAS OÙ?” hurlais-je pour être sûr de me faire entendre.

- “ͯ ͫs ͥz ͩs”

- “SUPER MOI AUSSI!


Aucune idée des sons qui viennent de sortir de sa bouche. Boules quiès pour moi, Intercom pour lui. Même pas sûr qu’il m’a parlé en français. Une conversation enrichissante.

Nouveau feu rouge:

- “OU CA T’AS DIT?”

- “...in..”

- “OK NICKEL!


S’ensuit un grand OK façon Cousteau (si tu fais de la plongée tu me suis), 1e et direction Savines. Ou Dignes. Ou n’importe quelle ville de France qui finit par “in”. On s’en fout on roule à deux maintenant.


Honnêtement, j’ai été bluffé par sa moto: une CF 800MT full équipée. Bon rythme, bien emmenée, ses aptitudes routières ne semblent avoir rien à envier aux européennes ou asiatiques fortement représentées ici. Faudrait que j’en essaye une à l’occasion. J’ai pas osé lui demander tu penses bien avec notre communication monosyllabe, je risquais d’arriver en retard le midi.


1200GSA, Ubaye, D954
Point de vue sur l'Ubaye, le long de la D954 en direction du tunnel de la Roche.

Arrivés à GAP, je comprends pourquoi il n’avait pas bifurqué plus tôt sur la D14 pour rejoindre Savines-le-Lac: parce qu’il n’y allait pas…Dans un ultime effort intellectuel (et un grand salut dans le rétro de sa part), je réalise qu’il prenait la route directement vers Dignes-les-Bains (ou "in" pour les intimes) Mon ami si tu es dans le groupe et que tu lis ce message, j’espère que tu réaliseras à quel point je n’avais pas compris un traître mot de ce que tu m’as dit. Comme on dit chez moi: “sorry”!

 

12h. A la sortie, je m’arrête pour faire le plein. Il temps de voir où en est le padre. Message Whatsapp de ma mère entretemps: “Coucou: la 750 ne démarre pas, il vient de partir avec la 125, il devrait arriver vers 13h30”.


La 125? Nan il n’a pas fait ça quand même?!


Coup de fil dans la foulée pour la confirmation: mamie refusant catégoriquement de coopérer cette fois-ci, c’est au guidon de notre indestructible (et je pèse mes mots) XL125 de 1978 que mon père jette une nouvelle fois sa jambe sur le kick.


Je ne vais pas te raconter la somme d’histoires tantôt inavouables, tantôt improbables, tantôt fantastiques avec cette bécane. Retiens juste qu’avec 33.000 bornes au compteur, ses pneus d’orig et pas une révision en 20 ans, j’ai la conviction profonde que ce moulin est ce que l’industrie moto à produit de mieux ces 40 dernières années. L'objectivité c'est la clé d'un bon récit.


Pour mon père, c’est la confirmation: la F2 ne lui laisserait pas entrevoir le moindre plaisir. Une ultime tentative de démarrage en descente se soldera par une demi-heure de poussette sous 30 degrés. Décidément, cette bécane tient toujours sa promesse!


Va-t-il parvenir jusque Montclar? La XL Va-t-elle se traîner jusqu’au sommet de la Bonnette? Allons-nous pouvoir revenir avant la tombée de la nuit?


Je me rends compte que ce post est déjà bien long alors pour le savoir, il te faudra patienter jusqu’au 4e et dernier récit de mon voyage. Et si tu ne connais pas cette région: fonce la découvrir sans plus attendre!


Sauze le lac. Barrage Savines-le-lac arrière plan
Arrivée à proximité des berges du lac de Serre-Ponçon

ps: merci aussi à Jean Noel Chauvelot (que je ne connais pas) mais qui possède une très belle photo de la désormais mythique XL125 que tu apercevras dans le dernier épisode! 😉


XL 125
XL 125. © Jean Noel Chauvelot

 
 
 

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