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La (presque) Route des Grandes Alpes #4

As-tu croisé XL125 la plus maltraitée de France?


RS1200GSA. Sommet col de la Bonnette
Au sommet de la plus haute route de France, la cime de la Bonnette

Bien calé en bordure de la D954 du côté de Chappas pour te faire profiter de la vue sur le pont de Savines, un couple dans la cinquantaine provenant du Nord de la France arrive alors à ma hauteur en me proposant un peu d’aide dans ma séquence artistique. Entre les graviers, le vent et le trépied pour iPhone le plus cheap que tu puisses te procurer sur Afuirexpress, j’avoue avoir hésité un instant…Je refuse toutefois poliment expliquant un peu ma démarche mais engage la conversation avec eux.


Faut dire que le mari semblait déjà sacrément intéressé par mon engin (motorisé l’engin ne te méprends pas) Ils me racontent alors leurs précédentes épopées, leurs nombreuses escapades dans la vallée de l’Ubaye, le Mercantour ou encore les Ecrins. Me voir équipé ainsi leur a fichu un petit coup de nostalgie. Sans regret toutefois car ils continuent leurs aventures avec juste un peu plus de confort (et deux roues supplémentaires) On échange encore quelques mots, une photo souvenir devant la moto en se disant qu’on se reverra peut-être un jour qui sait. Je ne me souviens que de leur dernière phrase au moment de nous quitter: “il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas” me répondent-il. Cela m’a marqué.



Point du vue barrage Savines le lac
Vue sur le barrage de Savines-le-Lac depuis Sauze-le-Lac

Avec toujours une confortable avance de ¾ d’heure sur mon père, je repense à Bertrand probablement en train de bosser devant son écran et lui envoie quelques photos:

- “Nul le décor. Je suis content de pas être venu.” me répond-t-il.

J’imagine qu’il sera plus difficile de loger chez lui l’année prochaine.


Sur ces paroles bien senties et devant tant de camaraderie, je reprends tranquillement la D954 jusqu’au tunnel de la Roche. Cette section qui longe la rivière à fleur de route est réellement fantastique. Juste avant de traverser l’Ubaye, n’hésite pas à grimper le petit talus sur ta droite en gravier qui t’offrira un chouette point de vue sur le pont et le cours qui se resserre de plus en plus.


Je poursuis ma route jusqu’à rejoindre la jonction entre la D954 et la D900 (parallèle à l’ancienne voie ferrée) La route de droite est celle qui me conduira jusque Montclar 2 Vallées. J’entre en plein coeur de la station et trouve une place à l’ombre juste derrière le pub “Le Trappeur”. Appâté comme du gibier avec l’odeur d’une pizza tout juste sortie du four…Ils n’auront pas ma peau mais portent bien leur nom.


Je tombe une nouvelle fois sur des gens adorables: le patron, à qui j’explique brièvement la situation accepte avec plaisir de laisser la cuisine ouverte jusqu’à l’arrivée de mon père peu avant 14h. La chaleur est une nouvelle fois déjà bien présente et seules 3 tables sont occupées en terrasse sur les coups de 13h. Sirotant un bon vieux diabolo grenadine des familles en regardant une poignées de vttistes se diriger vers le télésiège du Belvedere, je reste étonné par la faible affluence touristique compte tenu du cadre. Drôle de saison cette année en station tout de même.


13h45. J’entends pétarader au loin le mono poussif (ou toussif plutôt) caractéristique du XL. Cela ne peut être que lui! Pas difficile vu l’heure ceci dit, il n’y avait pas le moindre bruit dans la vallée. Grand sourire aux lèvres, pas peu fier de cette nouvelle performance (ou soulagé que la moto soit arrivée à bon port) je retrouve avec une certaine émotion mon père à l’arrière du pub. On échange deux ou trois mots, on rigole sur la différence de gabarit hors norme entre les deux bécanes et on file en terrasse à l’ombre pour se désaltérer.


D’ailleurs si jamais tu as l’opportunité de manger au Trappeur, méfie toi des salades proposées en “entrée”: malgré un solide coup de fourchette et un poids dépassant légèrement celui de la petite japonaise pour mon père, il nous aura été juste impossible de finir les deux salades savoyarde commandées. Aussi délicieuses et généreuses que le patron des lieux.


Pendant le repas, et compte tenu de la machine avec laquelle mon père est arrivé, je propose une nouvelle modification d’itinéraire:


Plan A: rebrousser chemin vers Savines-le-Lac et refaire le tour du lac que j’ai roulé le matin même. C’est plus court et devrait nous ramener vers 18h du côté de Barjols.


Plan B: aller chercher le col de la Bonette ce qui implique de revenir sur nos traces jusque Montclar avant de redescendre pour Barjols. L’arrivée prévue passe à 20h, 20h30 dans le meilleur des cas.


Dur dur de choisir entre les deux pour mon père qui ne connait ni le lac de Serre-Ponçon, ni la Bonette. De mon côté c’est plus simple: je lance un classique mais efficace: “doit y avoir une belle vue de là-haut” en rajoutant la promesse d’une dizaine de degrés en moins au sommet pour le convaincre. Bingo.


Après deux cafés bien serrés, il est temps de repartir. J’allège la moto de mon père en emportant son antivol en U SRA de 6kg coûtant surement plus cher que la valeur argus de sa moto, son sac isotherme renfermant une bouteille de 2l d’eau accompagnée de ses 4 pains de glace minutieusement repartis pour un rafraîchissement optimal et son sac 100% étanche. Cherche pas à comprendre, j’ai abandonné il y’a 15 ans. Toujours est-il qu’avec 10kg de moins, on devrait gratter facile 5km/h en pointe. Le poids c’est l’ennemi.


La station à peine derrière nous que mon père passe réserve. On tire jusque Barcelonnette pour trouver une station service proche du rond point du Casino sur la D900. C’est à ce moment que je décide d’échanger nos motos, histoire de couper la poire en deux. En dehors de lui faire plaisir pour qu’il retrouve le guidon d’une BM, tactiquement, avec environ 35kg de moins (hors équipement) que lui sur la balance, je me dis qu’il vaut mieux que je fasse la montée et lui la descente si on veut rentrer avant la nuit.


Autant te le dire tout de suite: je me suis juste éclaté comme un gosse à son guidon! Passer de la GSA à la 125, c’est passer du bus scolaire au caddie de golf électrique question ressenti. D’autant que mon caddie à moi, il avait quelques subtilités: un câble d’accélérateur bien rongé, un ralenti qui tient pas, une incapacité à redémarrer à chaud (6’ de kick sous 34° à Jausiers, c’est sympa), des vibrations de partout et une tendance inexplicable à guidonner au delà de 30km/h. Une bécane sensationnelle au sens littéral du terme (ou dangereuse c’est selon)


J’attaque la montée le couteau entre les dents. Dans la première partie, avec peu de dénivelé, j’arrive à prendre un bon 65 avant chaque épingle. Dans la seconde partie plus raide, je ne quittais plus des yeux le compte-tour: 8.000 tours sinon rien. Tel un Thierry Van Den Bosch au sommet de sa gloire, jambe fièrement sortie et une moitié de fesse prête à racler le sol avec le reste de ma carcasse, j’attaque chaque épingle avec l’objectif de conserver le plus de vitesse possible pour dépasser un bon gros Scenic bleu qui me gâche la vue. Grâce à un exter audacieux à deux virages du Col, j’atteindrai mon objectif; auréolé par un majeur fièrement adressé de la part de mon adversaire déchu. Je vais pas te mentir, je l’avais surement mérité ce jour là.


Que te dire d’autre sur la montée à part qu’elle est extraordinaire? J’ai ressenti 3 temps dans la montée:

  • Une première section un peu encaissée, boisée juste après avoir quitté Jausiers en guise d’introduction.

  • Une deuxième section plus alpine, dégagée à l’instar des autres cols des Alpes après Lans

  • Une troisième et dernière section irréelle après la buvette de la Bonnette avec ce long droite en montant qui te laisse découvrir la cîme. Si je n’étais pas dans le feu de l’action en train de faire l’exter au Scenic à ce moment, je me serai arrêté sur le bas côté.

Mon père lui, sportif, est déjà au sommet. Sourire en coin, il me glisse un “j’ai entendu” en référence au moteur qui a pris des tours comme rarement. “Oublie pas qu’on doit quand même essayer de rentrer avec” Pour être franc, en quittant Montclar, j’avais déjà envisagé pas mal de scénarios, dont celui de laisser la moto en cas de panne et de prendre mon père en passager. Pas l’inverse. J’ai déjà donné.


On rejoint un groupe de 3 autres motards composé notamment de Lionel Chipeaux et Nicolas Lombard que j’ai aperçus sur cette page. Encore à bloc et totalement hilare (l’ivresse des sommets surement), je fanfaronne un maximum devant le regard amusé des collègues. Jamais une XL125 ne s’est aventurée aussi haut qu’à cet instant précis: c’est un privilège rare qu’il faut savoir apprécier glissais-je.


Je continue de chambrer l’audience, on échange quelques mots sympathiques, et j’immortalise copieusement l’instant. Puis on observe. Assis. Là. Dans ce paysage quasi lunaire, interrompus fréquemment par un vent franchement violent. On ne se fait pas fouetter le visage: on se prend des gifles monstrueuses et des débris à la moindre rafale.

Imagine alors mon admiration lorsque 2 cyclistes ont débarqué jusqu’au menhir où nous étions stationnés. J’étais sans voix. Nous les avons applaudis tant la performance m’a semblé surréaliste à ce moment. Le vent soufflait tellement fort qu’il était impossible de poser le vélo contre le monument pour prendre une photo souvenir. Il nous a suffit de remettre nos casques pour nous mettre à l’abri quand eux ont du simplement rebrousser chemin à peine arrivés au sommet. La petite reine ne ménage décidément pas ses valets.

Une vingtaine de minutes après notre arrivée, nous échangeons de nouveau nos bécanes. 16h30 bien tapé. Il est temps de rentrer à la maison.


Revigoré au guidon de son indéfectible compagnon de route, j’éprouve (et ça me coûte de l’écrire) quelques difficultés à suivre le rythme imprimé devant. Avec 110 chevaux mais aussi quelque 300kg en moins, difficile d’entrer aussi énergiquement dans les épingles. J’avais prévu de prendre mon père en passager en cas de soucis, mais laisser la bavaroise dans un fossé et rentrer à deux sur le 125, dont moi en passager, m’a traversé l’esprit l’espace d’un instant. Je me suis calmé tu t’en doutes.

Comme prévu, nous retournons sur nos traces, jusque Montclar St Jean et la fourche entre la D900 et la D207. Pause pipi et arrêt mauvaise foi lorsque j’enjoins mon père à prendre la D207 pour gagner un peu de temps vers Seyne puis Digne les Bains.

- “Tes GPS se plantent”

- “Les deux donc? Maps et Garmin?

- “Oui j’ai pris la D900 ce matin pour arriver à Montclar, sans GPS”

- “... … … mais donc comment tu sais alors si c’est plus rapide?”

- “... … fais comme tu veux vas y je te suis.”


Arrivés à Digne-les-Bains, en me remémorant le trajet, j’ai eu un feeling un peu étrange. Pas vraiment celui du devoir accompli, mais une sorte de soulagement après 4 jours de moto et à la barre des 2.000km en passe d’être franchie. Une sorte d’euphorie légère, un peu celle que tu ressens après un premier verre d’alcool. A l’exception du Parpaillon, j’ai eu la chance et le privilège d’emprunter tous les itinéraires planifiés pendant des soirées entières il y’a de ça plusieurs semaines déjà. Aucune photo de ce groupe, aussi belle soit-elle, ne remplacera l’émotion que tu ressentiras devant le panorama de tes rêves. Encore plus si tu as pris le temps d’écrire ta propre trace.


20h. Je me détache encore davantage du moment en retrouvant les paysages des Alpes de haute Provence. Des paysages qui me sont un peu plus familiers. Je ne me sens pas à ce point chez moi, mais je recupère une certaine zone de confort en anticipant certains villages, certaines attractions comme les immenses champs de lavande entre Riez et Quison sur les hauteurs du lac de Sainte Croix que l’on devine à peine. L’odeur y est si forte, même visière fermée, c’est une sensation que j’avais oublié.


Un bon quart d'heure plus tard, dernier pit stop refuel pour la XL. Comme pour nous faire savoir qu’elle commence à fatiguer également, l’un des clignos arrière est cassé. Sa vie ne tient plus qu’à un fil (électrique) Ce sera notre seule panne du trajet. Bien que l’écurie ne soit située qu’à une quinzaine de km de la station et que la probabilité de croiser les bleus est encore plus infinitésimale que celle de croiser la moindre voiture à cette heure, mon père semble vouloir innover et fixer le problème.

- “T’as de quoi réparer?” lançais-je ironiquement

- “...t’as pas un couteau?”

- “Allez c’est bon, je sors ma trousse à outils”


Convaincu que le raccord du cligno était situé à l’intérieur même du clignotant alors qu’il suffisait de glisser la main le long de la selle pour débrancher le connecteur, je préfère immortaliser le moment et prévenir sobrement ma mère que nous aurons une quinzaine de minutes de retard supplémentaires pour laisser l’artiste à l’oeuvre.

C’est sur un classique mais authentique “c’est d’la merde tes outils” que nous finirons cette réparation d’infortune et atteindrons le village typique provençal de Barjols peu avant la tombée de la nuit.


J’ai quitté la route des grandes Alpes, la vraie depuis longtemps déjà. Motos béquillées et équipement jeté par terre, on se sert des “rosé piscine” pour se réhydrater en prenant l’apéro. L’utile à l’agréable en somme. On regarde les photos de la journée, on se refait le film. C’était fou, une nouvelle fois.


Demain, la parenthèse s’achève: je retrouve ma femme, mon fils (pas mon domaine) et garde dans un coin de ma tête les routes qu’il me reste à découvrir.


Vivement l’année prochaine!

 
 
 

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